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« Je ne pourrais pas ne pas être engagée »

Extraits sélectionnés dans l’entretien fait par la revue “L’Appel”, et publié sur leur site[ Frédéric ANTOINE et Paul FRANCK ]

→ Version PDF complète FWB : Fédération Wallonie-Bruxelles

A la lecture de cet article, on se sent ‘en bonnes mains’ ; jugez plutôt…

Bénédicte Linard est d’abord une femme marquée par ses valeurs. Si, à 43 ans, cette élue Écolo a accepté ces hautes responsabilités politiques, c’est au nom de son souci pour l’humain. Et pour poursuivre les engagements qui ont marqué toute sa vie, de son enfance anderlechtoise à son échevinat à Enghien, en passant par son job de prof à l’Institut des sœurs de Notre-Dame, rue de Veeweyde.

Il y a quelques années, vous aviez déclaré que ce qui comptait pour vous était l’enseignement ….

J’ai toujours voulu m’engager dans des combats.


Au fil du temps, je me suis prise au jeu de la politique, en me disant qu’elle pourrait peut-être aussi être un outil d’engagement. Aujourd’hui, j’en suis sûre : elle est un moyen et non une fin en soi. À un moment, avec cette envie d’engagement politique afin de faire changer la société, je me suis retrouvée face à un manque de temps. J’ai alors fait le choix de plutôt aller vers la politique. Cela fait dix ans que je n’ai plus enseigné. Je me suis construit un bagage en politique et j’ai porté mon engagement à ce niveau. Ces quatre dernières années, j’étais échevine à Enghien, chargée de matières en lien avec les relations interpersonnelles, le développement personnel et le collectif.

Aujourd’hui mon parcours m’amène à un poste ministériel.  Je ne sais pas où je serai dans dix ans. Peut-être plus du tout en politique.

Je ne pourrais pas ne pas être engagée, cela me paraîtrait dingue.

D’où vous vient cette volonté de vous engager ?

… À quinze ans, j’étais déjà animatrice. Les mouvements de jeunesse ont forgé ma vision de certaines valeurs, comme la solidarité ou la coopération, qui se vivent là concrètement… : valeurs qu’on partageait dans ma famille et que j’ai retrouvées partout au cours de ma vie d’adulte.

Cependant, vous n’avez pas accompli des études sociales…

Dès la ma troisième humanités à l’Institut des sœurs de Notre-Dame, rue de Veeweyde,, je savais que je serais enseignante, car je me sentais assez douée en pédagogie.

Présidente des étudiants de l’UCLouvain, j’ai milité avec ma copine Émilie Hoyos pour que nous puissions rejoindre la FEF, la Fédération qui commençait alors à regrouper tous les étudiants. J’y ai croisé Gregor Chapelle…

Après les études, le couple au Québec, les enfants …

Et ensuite, Enghien : Pourquoi ?

… nous voulions habiter une maison avec jardin. Ce qui est difficile à trouver à Bruxelles quand on est jeune.
… Je suis très heureuse d’avoir découvert cette ville, et j’y suis très ancrée. Cette localité a la particularité d’être à facilités linguistiques pour les flamands. Il y a là un mélange de cultures et de langues harmonieux, vraiment très agréable.
Parfois, les Bruxellois ne savent rien de la Wallonie et viceversa. J’aime beaucoup le côté hybride de cet alliage d’avoir vécu une moitié de ma vie d’un côté et l’autre moitié de l’autre. Cela constitue un plus dans mon parcours, notamment comme ministre de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Je connais un peu les deux réalités régionales, mais aussi par exemple celle de la ville et celle de la campagne.

En 2007, mon aîné a 6 ans et le plus jeune 4 ans. Tout en étant encore dans l’enseignement, je ressens le besoin de porter un peu plus loi mon engagement écologique, et je commence par les rencontres écologiques d’été d’Écolo. Ce que j’y ai vécu m’a parlé. Il y avait là quelque chose qui se passait en matière de collaboration, d’intelligence collective… qui n’existe pas à ce point-là dans d’autres partis. Une façon de travailler et de porter un idéal qui est très enthousiasmante. Deux mois après, je rejoignais la section locale d’Écolo d’Enghien.

Qu’est-ce qui vous avait amené à l’écologie ?

Mes parents étaient proches d’Écolo, mon parrain aussi.
J’avais déjà entendu parler de ce parti, et je me sentais proche des valeurs écologistes de justice sociale, de solidarité et de préservation du milieu dans lequel on vit, de l’environnement et donc de la santé.
Je savais qu’un jour je m’engagerais probablement à Écolo. Parce qu’on partage les mêmes valeurs, j’en ai beaucoup parlé avec Gregor Chapelle, qui lui avait choisi d’aller au PS.

Comment passe-t-on d’un engagement militant local à membre du Parlement régional ?

J’avais envie de faire mes armes sur le côté politique en Wallonie. J’ai donc d’abord été engagée par le cabinet du ministre Nollet. Cela m’a préparé à une éventuelle fonction de député. J’adore apprendre. C’est aussi pour cela que je change tous les dix ans, car j’ai envie d’apprendre de nouvelles choses. Du coup, je me mets alors au service d’un idéal et donc des citoyens. C’est un donnant-donnant.
Comme député, on a moins de moyens d’action concrets qu’à l’échelon local, et cela se voit moins concrètement au quotidien. Mais le travail est tout aussi important. Le rôle d’un député n’est pas seulement de siéger dans une commission, mais d’amener des propositions et pas seulement de poser des questions de contrôle de l’action du gouvernement. Plus être le relai de la société civile.

Et votre nouveau poste de ministre ?

Avant les dernières élections, en vertu de ma fonction d’échevine à Enghien, je siégeais au Conseil de l’Enseignement des Communes et des Provinces. Les élections se passant bien, je savais que j’allais à nouveau siéger au Parlement de Wallonie, et je me préparais à me préoccuper des questions
d’enseignement.
Lorsque commencent les négociations pour la formation du gouvernement, j’y participe en fonction de l’expertise que j’avais gardée sur ce dossier…. Il y avait donc du sens à ce que l’on m’attribue un ministère, d’autant qu’on veillait à ce que, parmi les ministres, il y ait des femmes, et pas seulement des hommes.

je suis très heureuse de mes compétences ministérielles. Elles ont toutes un lien avec des leviers possibles, entre autres pour la préservation de la démocratie et la lutte contre les inégalités. J’embrasse ce portefeuille avec beaucoup de plaisir et d’enthousiasme. De toute façon, on ne sait pas tout
faire. Avec mes deux collègues qui ont des compétences sur l’enseignement, nous avons décidé de travailler ensemble, car il y a des liens forts entre nos matières…. Par exemple à propos de l’éducation aux médias. Notre démocratie vacille. Le développement de l’esprit critique est en recul,… Il faut donc aborder cette question de manière collaborative. Toute ma vie professionnelle m’a démontré qu’on est bien plus efficaces quand on travaille ensemble.

Droit des femmes:

Depuis que je suis ministre, je mesure l’étendue des besoins à ce propos dans les différents secteurs où je vais travailler. On a évolué au cours de ces dernières années, mais on est actuellement dans un momentum. Un moment où les
femmes sont prêtes et où les hommes sont beaucoup plus prêts à donner aux femmes la place à laquelle elles ont droit.

Rapatriement des enfants qui se trouvent en Syrie:

Je n’aime pas être dans des zones de confort. Donc si je dois en sortir et peut-être devoir en prendre pour mon grade, ce n’est pas grave, à condition que j’ai pu faire mon boulot correctement. Quand j’ai pris position sur le rapatriement des enfants belges qui sont en Syrie, j’ai reçu des messages
racistes, des réactions fortes… J’ai une carapace, cela me passe vraiment au-dessus de la tête.
Mais, à côté de cela, ce message a été entendu.
Il était important de réaffirmer que la vie d’un enfant est sacrée. On ne joue pas avec cela.

Autre dossiers ‘chauds’ de ce type:

  • Point Culture: les anciennes médiathèques

  • La publicité à la RTBF, ou les relations avec les grands groupes américains qui règnent sur la communication,

Chez Écolo, certains ne cachent pas leurs convictions philosophiques ou religieuses. Et vous ?

La richesse d’Écolo est de pouvoir compter sur des gens aux profils diversifiés, mais qui se retrouvent tous autour d’un même objectif et d’un même idéal. Personnellement, mes convictions sont surtout empreintes de valeurs, qui régissent tant ma vie privée que professionnelle. Une de ces valeurs est l’ouverture. Une partie de ma famille est de convictions catholiques. Je ne partage pas ces convictions religieuses. Je n’ai pas de convictions religieuses à proprement parler. Mais nous partageons tous les mêmes valeurs. Nos deux mondes se rencontrent régulièrement, et de manière très positive.

Vous interrogez-vous de temps en temps sur le sens de la vie ?

Régulièrement. Je suis profondément humaniste. La question du sens est au cœur de mon engagement. On est tous sur terre pour quelque chose. Si j’y suis, c’est pour améliorer le quotidien des uns et des autres. …
En même temps prendre sa part de responsabilité face au devenir du monde et profiter de l’existence. En y trouvant du plaisir.
Cela balise tout le champ de mon action …On a tous une raison d’être là, et on doit aussi pouvoir rendre ce que l’on reçoit.

Que vous redoutez le plus ?

La souffrance. Surtout celle de mes enfants, de ma famille.

Si je m’engage, c’est aussi à cause de la souffrance.

Entretien : Frédéric ANTOINE et Paul FRANCK